Difficile, à l'heure actuelle, de trouver un autre sujet de conversation, de débat ou de nouvelle que cette affaire Cahuzac qui déborde largement des faits reprochés.
Cela dérive maintenant vers le déballage médiatique des pauvres biens ministériels. Et je dois l'avouer, je suis bien désolé pour eux. Passer sa vie sous les ors de la République et récolter si peu de lauriers, quel dommage!
Je suis plus dans la mentalité américaine ou suisse où la réussite sociale me donne envie de travailler plus qu'elle ne me suscite de jalousie. Mais en France, une situation privilégiée provoque davantage de questionnements. On doute de l'origine de la fortune.
Il y a ceux qui sont bien installés, dont le nom même indique le statut social, ceux qui débarquent dans les sommes à six ou huit chiffres, qui se cachent et qui semblent avoir honte d'être devenus des nantis.
Pourtant, ce devrait être une fierté si cette richesse provient du travail, de prise de risques et d'audace.
Il y a ceux dont la richesse est le fruit de spéculations, ou de délits d'initiés, comme je le soupçonne Mr Cahuzac, qui avait le carnet d'adresses utile aux industries pharmaceutiques. Ceux-ci ont bien raison de ne pas étaler leur fortune, elle n'a rien de glorieux.
Il y ceux qu'on croit être riches, mais qui ne vivent qu'en flux tendu. À la merci d'une virgule sur l'indice bousier, l'œil rivé sur Bloomberg Tv.
Ce qui me sidère dans le comportement de l'ex-ministre, et c'est pour cela que je me permets de le signaler, c'est son mensonge devant l'Assemblée. Il est ministre d'état, il a une responsabilité énorme, il a fait des annonces fortes sur l'exil fiscal, et il ose mentir sur un événement qui pour moi n'en est pas un. C'est comme s'il était réellement persuadé que c'était du passé, qu'il n'y avait rien.Cela m'échappe vraiment, ce comportement.
J'aimerais être persuadé que les personnes qui nous gouvernent, s'il n'en demeurent pas moins des êtres humains, sont des hommes et des femmes extrêmement compétents, équilibrés, rationnels, normaux, n'est-ce-pas, pourquoi pas?
L'erreur que commettent la plupart des gens est de penser que l'homme politique est un homme, alors que c'est un homme politique.(JM Ribes)
Il a un compte en Suisse, moi aussi, j'en ai même plusieurs, j'y travaille et j'y habite. Bien moins fournis que celui qu'il avait à l'époque, j'en conviens. N'importe qui peut avoir un compte en Suisse.
Pourquoi donc, dès l'annonce de cette information, n'a-t-il pas immédiatement dit:
-" Oui, bien sûr que j'ai eu un compte en Suisse à l'époque où je bossais avec les industries pharmaceutiques, et alors?"
Fermez le ban, l'information se vide de sa substance. Après, on aurait pu spéculer sur les sommes ou le pourquoi du comment, mais cela n'aurait pas eu plus de retentissement que les déboires de Mr Désir, de Mme Aubry et leurs propres mises en examen, pour ne citer que les élus de gauche.
C'est la phrase qu'on a entendue, rebattue à l'excès, qui me dérange:
-" Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de compte en Suisse".
Je les connais les Suisses, il n'allaient pas laisser passer ça, et même s'il y a la discrétion bancaire, la délation est une seconde nature, là-bas. Ce que je cautionne d'ailleurs tout à fait, pour les affaires de moeurs, de vol ou autres délits. Dénoncer n'est pas toujours trahir.
Croyait-il qu'il n'y aurait personne qui se souviendrait? Billevesées! Candeur indigne d'un homme d’État.
Mais pour le reste de la troupe, quelle déception! Là, on sent le poids de la trahison, et encore, le président normal, faible comme l'écrit très justement Christophe Barbier dans l'Express, n'a pas osé tailler dans le vif. Exit du premier ministre, exit de Moscovici,, quelques hommes lâchés à la vindicte populaire auraient peut-être été une décision inique, mais elle aurait été forte, marquante.
Elle aurait rajouté à l'humiliation de la personne trompée la haine d'une carrière brisée.
Ce qui est presque le cas, avouons-le.
A la place, quelques décisions hâtives, inutiles à mon goût sur la surveillance des ministres. Je me moque des avoirs de tel ou tel personnage de la République, il est riche, grand bien lui fasse, il ne l'est pas, mais qu'a-t-il fait de toute sa carrière? Député, nanti d'un petit appartement, de dix mille euros sur un codevi, où sont passés les investissements de toute une vie? On ne fait pas de politique pour faire fortune, OK...
Mais on pourrait au moins avoir des biens qui permettent de voir venir, n'est-il-pas? Ou alors, c'est obscène à ce point? Déjà qu'on les a baissé de salaire à peine désignés, les collaborateurs du président
sont obligés de s'exposer feux de la rampe, cibles parfaites pendant que les vrais riches sont à l'abri.
Je vais finir par les plaindre, tiens...
Et les chômeurs, et la crise, et les autres faits de société qui occupaient la presse avant, quid des solutions?
Bravo, Jérôme, tu ne l'as pas fait exprès, mais avec Dominique, vous faites la fortune de milliers d'éditeurs, d'écrivains, et les délices de nouvellistes et autres scribouillards comme moi.
Et de lecteurs, bien évidemment...